Comprendre les obligations en finance : guide complet pour investir en 2025

Sommaire

Une obligation est un titre de créance représentant un prêt consenti par un investisseur à un emprunteur — État, entreprise ou collectivité — en échange d’intérêts réguliers et du remboursement du capital à l’échéance. Dans un contexte où les OAT françaises à 10 ans offrent désormais 3,58% de rendement et où la BCE vient d’abaisser ses taux directeurs à 3%, les obligations retrouvent une place centrale dans les stratégies patrimoniales des Français. Ce placement longtemps délaissé face aux taux quasi nuls redevient attractif : les fonds euros en assurance vie affichent un rendement moyen de 2,60% en 2024, tandis que les ETF obligataires corporate ont généré +4,6% sur l’année.

Le mécanisme fondamental d’une obligation décrypté

Lorsqu’un investisseur achète une obligation, il devient créancier de l’émetteur et acquiert trois droits essentiels : percevoir des intérêts périodiques appelés coupons, récupérer le capital prêté (le nominal) à une date fixée (l’échéance), et revendre le titre sur le marché secondaire avant terme. Contrairement aux actions qui représentent une part de propriété sans garantie de rendement, l’obligation offre une rémunération contractuelle et un rang prioritaire en cas de faillite.

Le fonctionnement repose sur une relation inverse entre prix et rendement. Quand les taux d’intérêt du marché montent, les obligations existantes à taux fixe perdent de la valeur — pourquoi payer 100€ pour un coupon de 2% quand les nouvelles émissions offrent 3% ? Cette sensibilité aux taux, mesurée par la duration, constitue le principal risque des obligations : une duration de 7 ans signifie qu’une hausse de 1% des taux fait chuter le prix d’environ 7%.

En France, le marché obligataire se structure autour de deux grandes catégories. Les obligations d’État (OAT) financent la dette publique française, désormais établie à 3 305 milliards d’euros. Les obligations d’entreprises (corporate bonds) permettent aux sociétés de lever des fonds, avec des rendements supérieurs compensant un risque de défaut plus élevé.

Les OAT françaises : des rendements redevenus attractifs

L’Agence France Trésor émet régulièrement des Obligations Assimilables du Trésor pour financer le budget de l’État. Au 12 décembre 2024, les rendements s’établissent comme suit :

MaturitéRendement actuelÉvolution sur 1 anCode ISIN exemple
OAT 2 ans2,307%+3,7%FR0010061242
OAT 5 ans2,897%+12,9%FR0120473253
OAT 10 ans3,580%+18%FR0011196856

Le taux de l’OAT 10 ans a progressé de +64 points de base entre fin 2023 (2,56%) et fin 2024 (3,20%), porté par l’instabilité politique post-dissolution et les inquiétudes sur la trajectoire du déficit public. Le spread France-Allemagne — l’écart de rendement avec le Bund allemand, référence sans risque en zone euro — s’est élargi à environ 80 points de base, contre 50 pb avant juin 2024.

Un particulier peut acheter des OAT sur le marché secondaire via un compte-titres ordinaire, avec une valeur nominale de seulement 1 euro par titre. En pratique, l’investissement minimum se situe autour de 100-200 euros compte tenu des prix de marché. Les OAT ne sont cependant pas éligibles au PEA, et les coupons comme les plus-values sont soumis au prélèvement forfaitaire unique de 30% (flat tax).

Le rôle crucial des agences de notation dans l’évaluation du risque

Trois agences dominent 94% du marché mondial de la notation financière : Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch. Leur rôle consiste à évaluer la probabilité qu’un émetteur fasse défaut sur ses engagements, à travers une échelle allant de AAA (risque quasi nul) à D (défaut avéré). La frontière entre investment grade (BBB- et au-dessus) et high yield (BB+ et en-dessous, aussi appelé « junk bonds ») détermine l’accès des émetteurs aux marchés et le taux qu’ils doivent payer.

La France a vu sa note dégradée à plusieurs reprises ces dernières années. S&P a abaissé la notation française de AA- à A+ en octobre 2025, suivie par Fitch en septembre 2025. Moody’s maintient pour l’instant un Aa3 mais avec perspective négative. Ces dégradations reflètent le déficit public dépassant 6% du PIB et une dette atteignant 112% du PIB — le troisième ratio le plus élevé de l’Union européenne.

Pour les entreprises françaises, les notes varient considérablement. LVMH bénéficie d’une excellente notation AA- (S&P), traduisant sa solidité financière exceptionnelle. TotalEnergies affiche également un A+ stable. À l’inverse, EDF se situe en bas du spectre investment grade avec un BBB (S&P), reflétant son endettement massif et les défis du parc nucléaire. Concrètement, chaque cran de notation en moins représente un surcoût d’emprunt de 20 à 50 points de base pour l’émetteur.

Le contexte BCE : quatre baisses de taux en 2024

La Banque Centrale Européenne a opéré un virage majeur en 2024, passant d’une politique de resserrement monétaire à un cycle d’assouplissement. Après avoir porté son taux de dépôt à un pic de 4% en septembre 2023 pour combattre l’inflation, la BCE a procédé à quatre baisses successives de 25 points de base chacune :

Le taux de facilité de dépôt — devenu le taux directeur principal — s’établit désormais à 3% depuis le 18 décembre 2024, contre 4% un an plus tôt. Le taux de refinancement atteint 3,15% et le taux de prêt marginal 3,40%. Les analystes anticipent une poursuite des baisses en 2025 : Goldman Sachs prévoit un taux de dépôt à 1,75% d’ici mi-2025, tandis que le gouverneur de la Banque de France évoque un objectif de 2% pour l’été 2025.

Cette détente monétaire influence directement le marché obligataire européen. L’année 2024 a été faste pour les émissions corporate, avec 456 milliards d’euros levés (+32% vs 2023) dont un doublement du segment high yield. Les flux vers les fonds obligataires ont atteint 313 milliards d’euros, contre 169 milliards l’année précédente.

Les obligations d’entreprises accessibles aux particuliers français

Investir directement dans des obligations corporate reste techniquement possible mais présente des obstacles. Les émissions institutionnelles affichent généralement un nominal minimum de 100 000 euros, réservant l’accès aux investisseurs professionnels. Certaines obligations « retail » cotées sur Euronext Paris offrent toutefois des tickets d’entrée plus accessibles, typiquement 1 000 euros.

Parmi les exemples concrets d’obligations corporate françaises cotées, LVMH propose plusieurs lignes avec des coupons entre 2,75% et 3,50% pour des échéances 2027-2033, toutes notées AA-. Le Crédit Agricole émet également des obligations senior préférées accessibles aux particuliers, avec des coupons de 3,50% à 4% sur des maturités 2033-2034. Ces titres s’achètent via un compte-titres ordinaire chez des courtiers comme Interactive Brokers, Saxo Bank ou DEGIRO.

La distinction entre investment grade et high yield est fondamentale pour calibrer son risque. Les obligations IG (BBB- minimum) présentent un taux de défaut historique inférieur à 1% par an et offrent des rendements de 2-5%. Les obligations high yield (BB+ et moins) affichent des taux de défaut de 3-10% annuels selon le cycle économique, compensés par des rendements de 5-10%. Pour un particulier débutant, la recommandation reste de privilégier l’investment grade.

ETF obligataires : la voie royale pour les particuliers

Les ETF (Exchange Traded Funds) obligataires constituent l’option la plus adaptée aux investisseurs individuels. Ils offrent diversification instantanée, liquidité quotidienne et frais réduits. Attention importante : depuis octobre 2024, il n’existe plus d’ETF obligataire diversifié éligible au PEA — l’unique produit autrefois disponible (Amundi PEA Euro Court Terme, FR0013346681) réplique désormais un indice monétaire et non obligataire.

L’investissement en ETF obligataires se fait donc via compte-titres ordinaire ou assurance vie. Voici les produits les plus pertinents :

ETFISINFraisEncoursType
iShares Core EUR Corporate BondIE00B3F81R350,09%10,5 Md€Corporate IG
Amundi Euro Government Bond 1-3YLU16504874130,15%2,1 Mdۃtats court terme
Amundi EUR High Yield Corporate ESGLU18120905430,25%High Yield
iShares iBonds Dec 2028 EUR CorporateIE000264WWY00,12%700 M€Daté 2028

L’ETF iShares Core EUR Corporate Bond domine le segment avec plus de 10 milliards d’euros d’encours, une performance 2024 de +4,60%, et des frais de seulement 0,09%. Les ETF datés (iBonds) représentent une innovation intéressante : ils investissent dans des obligations arrivant toutes à échéance la même année, combinant la visibilité d’une obligation individuelle avec la diversification d’un fonds.

Les meilleures assurances vie pour accéder aux ETF obligataires sont Linxea Spirit 2 et Linxea Avenir 2 (80 ETF disponibles, frais UC de 0,50-0,60%), ainsi que Lucya Cardif (large choix ESG, assureur BNP Paribas Cardif). En compte-titres, DEGIRO, Interactive Brokers et Trade Republic offrent l’accès le plus complet.

Les fonds euros 2024 : le retour en grâce

Les fonds euros des contrats d’assurance vie, composés majoritairement d’obligations d’État et corporate investment grade, affichent un rendement moyen de 2,60% en 2024 (net de frais de gestion, brut de prélèvements sociaux), stable par rapport à 2023 mais en forte hausse depuis le point bas de 1,30% en 2021.

Les écarts entre contrats justifient une sélection attentive. Corum EuroLife domine avec 4,65% mais limite l’investissement à 25% du contrat. Parmi les fonds sans condition restrictive, Ampli Mutuelle (3,75%), La France Mutualiste (3,60%) et Garance Épargne (3,50%) se distinguent. Les fonds euros « nouvelle génération » de Linxea Spirit 2 — Objectif Climat (3,31%) et Nouvelle Génération (3,13%) — permettent un investissement à 100% avec une garantie du capital à 98%.

Les contrats en ligne proposent des bonus attractifs pour les versements comportant une part d’unités de compte. BoursoBank Vie offre jusqu’à +1,50% avec 50% d’UC, portant le rendement potentiel à 4,50%. Lucya Cardif propose des bonus similaires atteignant 4,15% à 4,55% sous conditions. Ces offres nécessitent toutefois d’accepter le risque des marchés sur la partie UC.

Pour 2025, les experts anticipent une stabilisation autour de 2,60-2,70%, soutenue par des taux obligataires toujours élevés et la baisse du Livret A à 1,70% prévue en août 2025.

Les obligations vertes : conjuguer rendement et impact

La France s’est imposée comme pionnière mondiale des green bonds souverains. L’État français compte aujourd’hui 83 milliards d’euros d’OAT Vertes en circulation, réparties sur quatre lignes. L’émission phare de janvier 2024 — une OAT Verte 3% échéance 2049 — a levé 8 milliards d’euros en une seule opération, un record. Ces fonds financent des dépenses vertes identifiées dans le budget : MaPrimeRénov’, bonus écologique automobile, transports propres.

Côté entreprises, trois émetteurs français dominent le marché. ENGIE affiche un encours de 24,7 milliards d’euros de green bonds, finançant 2,36 millions de tonnes de CO2 évitées annuellement via ses projets d’énergies renouvelables. EDF cumule environ 16 milliards d’euros d’obligations vertes, incluant le financement du nucléaire bas carbone dans son Green Financing Framework. SNCF a levé 11,4 milliards d’euros depuis 2016 et vise 100% de financement vert d’ici 2025.

Le « greenium » — le léger écart de rendement négatif historiquement observé sur les green bonds par rapport aux obligations classiques — tend à disparaître en 2024-2025 avec la multiplication des émissions. En pratique, les obligations vertes offrent désormais un rendement quasi identique à leurs équivalentes conventionnelles, avec une transparence accrue sur l’utilisation des fonds.

Pour y accéder, l’ETF Amundi Global Aggregate Green Bond (LU1563454310, TER 0,25%) ou l’Amundi Euro Government Green Bond (LU2356220926, TER 0,20%) constituent des solutions simples. Les plateformes de crowdfunding comme Enerfip ou Lendosphere permettent d’investir dès 50 euros dans des projets concrets (photovoltaïque, éolien) avec des rendements de 6-10%, moyennant un risque et une illiquidité supérieurs.

Montants minimums et aspects pratiques pour investir

L’accessibilité des obligations varie considérablement selon le canal d’investissement choisi :

  • OAT en direct : environ 100-200€ via compte-titres (nominal 1€)
  • Obligations corporate en direct : 1 000€ à 100 000€ selon l’émission
  • Trade Republic : dès 1 euro grâce aux fractions d’obligations (500 titres disponibles)
  • ETF obligataires : le prix d’une part, soit 50-150€ typiquement
  • Fonds euros assurance vie : souvent dès 100-500€ de versement

La fiscalité en France s’applique de manière uniforme : le prélèvement forfaitaire unique de 30% (12,8% d’impôt + 17,2% de prélèvements sociaux) frappe coupons et plus-values. L’option pour le barème progressif n’est avantageuse que pour les contribuables dans les tranches à 0% ou 11%. L’assurance vie offre un régime plus favorable après 8 ans de détention, avec un abattement de 4 600€ (9 200€ pour un couple) et un taux réduit à 7,5% + PS au-delà.

Conclusion : construire une allocation obligataire adaptée

Le retour des rendements obligataires positifs transforme la donne pour les épargnants français. Avec des OAT à 10 ans dépassant 3,5%, des fonds euros atteignant 3-4,5% et des ETF corporate affichant des performances solides, les obligations méritent une place réfléchie dans tout portefeuille diversifié.

Pour un investisseur prudent, la combinaison d’un fonds euros performant (Linxea Spirit 2 Objectif Climat, Ampli Mutuelle) et d’un ETF obligataire court terme offre sécurité et rendement raisonnable. Un profil équilibré pourra ajouter des ETF corporate investment grade via assurance vie pour bénéficier du cadre fiscal avantageux. Les plus dynamiques exploreront le segment high yield ou les obligations émergentes, en gardant à l’esprit que le risque de défaut augmente significativement sous la barre investment grade.

L’horizon 2025 s’annonce favorable au segment obligataire : la poursuite attendue des baisses de taux BCE devrait soutenir les prix des obligations existantes, tandis que les nouveaux flux d’épargne continueront d’alimenter la demande. Le contexte de dégradation de la note française incite toutefois à diversifier géographiquement son exposition souveraine, et à surveiller l’évolution du spread France-Allemagne comme indicateur de confiance.